Grand Raid du Finistère : au cœur du bénévolat sportif, une passion qui dépasse les frontières
Sur la presqu’île de Crozon, depuis maintenant 3 ans, près de 260 bénévoles se rassemblent pour faire vivre le Grand Raid du Finistère. Derrière les sourires aux ravitaillements et les gilets fluorescents sur les routes, se cache une réalité plus vaste : celle d’un bénévolat sportif en pleine mutation.

Une communauté qui se retrouve
Lorsque les coureurs du Grand Raid du Finistère franchissent la ligne d’arrivée, épuisés mais heureux, leurs premiers mots sont souvent pour eux : les bénévoles. À chaque poste de ravitaillement, de jour comme de nuit, partout sur le GR34, ils tendent un gobelet, indiquent le chemin, partagent un sourire. Sans eux, rien ne serait possible.
Les retours des coureurs sont unanimes sur la chaleur de l’accueil, sur la bienveillance dont les bénévoles ont fait preuve, tout au long d’un voyage que les derniers coureurs du 166 kilomètres auront mis environ 30 heures à boucler. On entend partout, sur le village d’arrivée, leurs remerciements. Cette reconnaissance, c’est aussi ce qui fait revenir, année après année, des femmes et des hommes parfois venus de très loin pour donner de leur temps, en toute simplicité.

Jean-Michel : un retraité sur les routes de l’engagement
A l’exemple de Jean-Michel. Jean-Michel, 62 ans, retraité de la Défense, vit à Lacanau mais sillonne la France – et parfois au-delà – pour donner de son temps. Marathon de Bordeaux, Templiers, Euskal Trail, ultra-trail de l’île d’Oléron, Raid in France… Le GRF s’est ajouté à la liste de ses rendez-vous. Il participe en tant que bénévole jusqu’à une quinzaine d’événements tout au long de l’année. “Cela me permet de rester actif, et de pratiquer du sport, à petite dose, en étant “baliseur”, comme ici sur le GRF, ou “serre-fil” prochainement aux Templiers. Je vois du pays!”
« C’est structurant, explique-t-il. Je pourrais rester chez moi, mais j’ai besoin de voir du monde, de participer. » En van, il voyage en autonomie, découvre des territoires, retrouve des amis. Aux Templiers, il croise depuis quatre ans les mêmes bénévoles, devenus des compagnons de route.
Le Grand Raid du Finistère, c’est pour lui l’occasion de revenir en Bretagne, d’y retrouver des amis, de la famille. Il a appris à aimer cet événement désormais bien calé dans son calendrier annuel. « Ici, on est bien reçus. On peut dire ce qu’on aime, ce qu’on aime moins. L’équipe est jeune, motivée, et toujours dans une logique d’amélioration continue. C’est valorisant de sentir que notre avis compte, que nous ne sommes pas de simples pions.»
Jean-Michel rêve loin, et a déjà une idée en tête à l’horizon 2030 : « J’essaierai de m’inscrire pour les JO d’hiver 2030. Ce serait original ! Mes copains qui ont fait Paris 2024 ont vécu quelque chose de magique. »
Laetitia : « Une super expérience, je reviendrai »
Laetitia est un autre exemple marquant de l’engagement bénévole sur le GRF. Venue d’Amiens, employée dans l’administratif et sportive invétérée, elle a choisi d’orienter ses congés pour rejoindre l’équipe du GRF. « On rigole bien, on est crevés mais on passe un super week-end », résume-t-elle.
Depuis plusieurs années, elle revient sur la presqu’île, non seulement pour ses paysages, mais pour l’ambiance humaine. « J’aime particulièrement la nuit sur le ravito de Lanvéoc, quand on encourage les coureurs dans un moment difficile. On redonne du boost, on se sent utiles. »
Laetitia ne se contente pas du GRF : semi-marathon de Reims, Chtriman de Gravelines… Le bénévolat rythme son année. « Je ne sais pas faire des vacances classiques ! » dit-elle en riant. Son engagement dépasse même le sport : elle s’investit aussi dans des associations liées à l’autisme. « Ça m’apporte différemment, mais toujours ce côté humain qu’on trouve de moins en moins. »
Dominique : des compétences devenues indispensables
D’autres bénévoles apportent des savoir-faire techniques. Dominique, par exemple, s’est retrouvé en charge de la gestion de l’électricité sur le GRF. « En une seule année, il est devenu essentiel », raconte François Hinault, organisateur de l’événement. « Un prestataire m’a même demandé : “Il est où ton régisseur ?” en parlant de lui ! »
Ces compétences, mises bénévolement au service d’un événement, témoignent d’une richesse souvent sous-estimée : le bénévolat, ce n’est pas seulement donner du temps, c’est aussi partager un savoir-faire, une expertise, parfois même un métier.
Une fidélité précieuse mais fragile
Le Grand Raid du Finistère réunit chaque année environ 280 bénévoles, dont la moitié sont des nouveaux, souvent recrutés par bouche-à-oreille. Mais ce sont surtout les bénévoles présents plusieurs années consécutives qui construisent l’identité de l’événement.
Cet engagement dans la durée n’a pourtant rien d’automatique. Au niveau national, près de 40 % des bénévoles ne reviennent pas après une première expérience, et 52,8 % des organisateurs disent avoir des difficultés à fidéliser leurs équipes. Reconnaissance, responsabilisation et qualité de l’expérience sont les trois conditions pour bâtir une communauté durable.
Au GRF, l’organisation a misé sur l’écoute et la convivialité. « On prend les retours, on améliore, on essaie de faire en sorte que chacun se sente utile », explique François Hinault. Un encadrement spécifique a vu le jour cette année, en la personne de François Bonnafoux, spécifiquement chargé du recrutement et de l’encadrement des bénévoles sur l’événement. Les résultats se voient : Laetitia, Jean-Michel, Dominique et tant d’autres inscrivent désormais l’événement dans leur calendrier annuel.

Le miroir d’une réalité nationale
À travers ces histoires singulières, c’est toute la réalité du bénévolat sportif qui se dessine. En France, 22,8 % des habitants, soit environ 13 millions de personnes, s’investissent dans une association. Le sport concentre une part importante de cet engagement. Mais le rapport Quick-Off souligne une transformation profonde : montée de l’engagement sur des événements ponctuels, rajeunissement du profil (37,7 ans en moyenne) et féminisation (54 % de femmes).
L’envie de contribuer reste forte, mais différemment. Les jeunes, notamment, s’engagent davantage – 44 % des 15-34 ans en 2023 – mais souvent sur des formats courts. Les motivations sont claires : passion pour l’activité, envie de renforcer son tissu de connaissances, recherche de sens, parfois volonté d’acquérir de l’expérience.
« Recruter tôt, maintenir le lien, animer, c’est la clé », insiste Nicolas André, directeur des événements à la Fédération française de cyclisme. Sans communication régulière, beaucoup décrochent. Les chiffres confirment ce constat : près de la moitié des bénévoles estiment ne pas être suffisamment valorisés.
Un défi pour l’avenir du sport
Le cas du Grand Raid du Finistère montre qu’il est possible de créer un attachement durable, malgré un contexte national instable. Mais cette réussite repose sur une équation fragile : valoriser, écouter, responsabiliser. Alors, un questionnaire en forme de retour d’expérience est proposé aux bénévoles du GRF, afin de mettre en lumière les points de difficultés rencontrés, et les solutionner à l’avenir.
Les organisateurs le savent : attirer des volontaires est déjà un défi, les garder en est un autre. Or, au-delà de la simple logistique, les bénévoles incarnent un capital humain qui constitue l’héritage de chaque événement. Sans eux, pas de dossards distribués, pas de coureurs orientés, pas de sécurité sur les sentiers.
Au fond, le bénévolat sportif n’est pas seulement une main-d’œuvre gratuite. C’est une communauté vivante, faite de passionnés qui donnent autant qu’ils reçoivent. Comme le dit Laetitia : « On rend service, mais ça nous apporte beaucoup aussi. »
De la presqu’île de Crozon aux grandes tendances nationales, une évidence s’impose : le sport sans bénévoles n’existerait pas tel qu’on le connaît. Et si les pratiques évoluent, l’expérience du Grand Raid du Finistère prouve qu’avec reconnaissance, convivialité et écoute, il est possible de faire vivre, année après année, la grande histoire du bénévolat sportif.
